Réponse à M. Amaury Mestre de Laroque, « journaliste » pour Marianne

Précisions sur ce billet : il est le travail d’environ 40 personnes issues d’un peu partout. Ainsi, ce billet a été rédigé avec une journaliste, des experts en sécurité informatique et, de façon générale, avec des gens qui savent ce qu’est Internet. En vous souhaitant bonne lecture.

I) Introduction

M. Amaury Mestre de Laroque, vous êtes l’auteur d’un torchon, ne l’appelons pas autrement, disponible à l’adresse suivante : http://www.marianne.net/Plongee-dans-l-Internet-criminel_a228487.html

Dans cette chose, vous présentez une sorte de monstre numérique, plus communément appelé Darknet, vous faites des mélanges de tout et surtout de n’importe quoi et, soyons clairs, votre article est manifestement indigne d’un journaliste. Au mieux, il démontre votre recherche partielle d’informations.

Au pire, il démontre un rejet profond d’Internet et de tout ce qui est numérique, de TOR à I2P. En effet, vous avez interviewé des responsables de police ainsi qu’un chercheur, mais, outre le point de vue de jeunes qui échangent des images, vous ne faites pas le point sur les utilisateurs de ces outils et, en ce sens passez  en partie à côté du sujet.

Ce billet est rédigé collectivement, nous allons tâcher de vous expliquer, parce que nous (ces pédophiles terroristes nécrophiles mangeurs d’adorables chatons et consommateurs de substances illicites) sommes gentils et relativement patients, même si vous avez un peu tiré sur la corde.

 

II) Le « Deep Web »

Commençons donc. Dans votre « article », vous nous faites une présentation du « Deep Web », le « Web profond », les abîmes d’un monde que vous seul semblez ne pas connaître et qu’il aurait été facile de découvrir en cherchant un tout petit peu plus et en vous adressant aux bonnes personnes.

Donc, le « Deep Web ». Le Web plus caché où les Darknets sont comme toute chose dans le monde numérique : un ensemble de machines, de 0 et de 1, qui  donnent une technologie totalement neutre. En résumé, il s’agit de serveurs et d’ordinateurs reliés entre eux par… Internet !

Oui M. Amaury Mestre de Laroque, les Darknets sont comme la rue, Internet, le Web et le reste : totalement neutre. C’est l’usage que l’on décide d’en faire qui ne l’est pas. Ainsi, vous aurez des endroits très glauques sur des Darknets ; comme vous aurez des quartiers peu fréquentables dans des villes, des dealers, des meurtriers…

Est-ce que cela fait de la rue un endroit aussi dangereux que ce que vous présentez ? Non.

Et comme dans une ville, il y a les rues sombres, les parcs, et même des lieux où des amis se retrouvent autour d’un verre en écoutant de la bonne musique. C’est ce que la plupart d’entre nous font en se rendant sur IRC

 

III) Internet c’est aussi le bien

Internet est, en somme, et pour commencer par quelque part, l’outil par excellence de communication et de partage. Et le seul aussi puissant existant au monde. Il est facile de voir les mauvais côtés des Internets (« Deep Web »), comme ceux exposés dans l’article publié sur  Marianne ; cependant Internet n’est pas qu’un outil permettant la diffusion du « mal » et de ce qui est condamné par la (les) loi(s).

Tant s’en faut, il est évident qu’avec un  outil aussi puissant, il est tout à fait normal que l’on puisse lui trouver des utilités qui ne sont pas celles qu’on lui attendait. Petit tour d’horizon du « 8th Wonderland », l’Internet du « bien » :

Internet, c’est également ce qui permet à des révolutions de se créer, à des pays oppressés d’avoir un moyen de communiquer, de se rencontrer, de se tenir informé. Qu’en aurait-il été des dernières révolutions qui ont fait trembler le monde ces derniers mois sans ce formidable outil qu’est Internet ? Sans les activistes qui les ont soutenues ?

Par ailleurs, sans Internet, nous n’aurions eu, à certains moments, aucun moyen de nous informer sur certaines situations dont seuls les NetCitoyens, aujourd’hui aussi protégés par RSF, sont les seuls témoins.

Loin des grandes causes, Internet est également en train de devenir le moyen le plus simple de soutenir des projets : Internet est clairement un des derniers moyens de financement libre et participatif (essor du crowdfunding basé sur de gros sites comme Kickstarter ou My Major Company ainsi que le site Ulule, en France).

Internet, et c’est son but le plus légitime, représente l’accès à la culture, au savoir, gratuitement et sous toutes ses formes (écrites, orales, vidéo), bien plus facilement qu’en se rendant en librairie acheter l’encyclopédie de la faune sous-marine.

Imaginer un monde sans Wikipédia, sans moteurs de recherche, sans ces milliards de milliards de blogs et de sites web tous plus documentés les uns que les autres, reviendrait à imaginer un monde complètement différent de celui dans lequel nous évoluons actuellement ; laissons-nous tenter par réfléchir à ce que pourrait être notre société sans Internet ou sans cet internet tel qu’il s’est développé et de la façon dont nous le connaissons actuellement :

Internet n’existe pas, je ne dispose donc d’aucun moyen aussi rapide pour diffuser un flux vidéo à l’autre bout du monde. Internet n’existe pas, les dictatures ne sont pas inquiétées, c’est même plus facile : ce moyen dérangeant de communication n’a jamais été inventé, et  heureusement, ça aurait très certainement mené à la fin de leur règne.

Internet n’existe pas, combien me faut-il de jours pour être mis au courant de ce qu’il  se passe dans le monde ? Internet n’existe pas, je suis donc obligé de passer  par une forme d’actualité différente et moins rapide qu’Internet, certainement la presse écrite ou télévisuelle. Problème de taille : cette presse est facilement censurable, modifiable, transformable pour servir des desseins pas forcément des plus charitables.

Internet n’est qu’une interconnexion de machines et de serveurs, rien de plus. C’est l’utilisation que chacun en fait qui fait que nous sommes tous responsables face aux atteintes à la neutralité du Net : filtrage, surveillance, etc. que nous combattons.

En résumé (et bien que le « mal » et  le « bien » soient des notions relatives), il est fou de ne dire et de ne montrer que le « mauvais » côté d’une technologie ; c’est aussi le plus puissant outil de communication existant, c’est aussi une technologie en constante expansion de plus en plus usitée et de plus utile, Internet c’est aussi le « bien ».

Pour le « Deep Web », c’est la même chose. On y trouve tout type d’individus, y compris des gens qui se réunissent pour parler de leurs passions,  de leurs sociétés ou encore d’autres qui permettent à des révolutions de se  créer, comme évoqué plus haut, ou qui essaient de communiquer au monde entier  des images et des informations de leur pays et tout cela grâce à des outils tels que TOR. Ces humanistes ont aussi le droit d’avoir la possibilité de se protéger.

« Si l’intimité est mise hors la loi, seuls les hors-la-loi auront une intimité. » – Phil Zimmermann, créateur de PGP (voir Annexe)

Retour sur les fonctions régaliennes  : vous indiquez que « bitcoin » est une monnaie non régalienne, c’est en oubliant qu’Internet est un État en devenir : il possède sa monnaie, son territoire et son armée…

 

IV) Sur l’objectivité de votre papier

Prenons les sources citées dans votre article  :

  • Paul, 14 ans ;
  • Ainsi Nicolas Christin, chercheur à l’université Carnegie Mellon de Pittsburgh (NON RENCONTRÉ, citation d’un article) ;
  • Paulo, un trafiquant d’armes ;
  • Nous notons l’absence de sources claires  (rapports, décisions de justice, etc.) quant aux chiffres que vous avancez.

Nous remarquons donc que mis à part le môme de 14 ans, vos sources sont soit inexistantes, soit d’un seul côté, celui de la  police. Or, des hackerspaces ont pignon sur rue un peu partout en France et  certains ont même le statut d’association, c’est le cas, par exemple, pour le /tmp/lab à Paris.

Alors pourquoi n’êtes vous pas venu à notre rencontre pour que l’on vous explique quelles utilisations nous faisons de tous ces outils ? En ce sens, votre article est biaisé puisque vous ne traitez qu’une seule partie du sujet, c’est à dire avec un regard partiel.

Cependant, la charte d’éthique professionnelle des journalistes, mise à jour en 2011, précise :

« Un journaliste digne de ce nom tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité,  l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tiens l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le  détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives  professionnelles » (http://www.snj.fr/spip.php?article1032)

En ce sens, donc, nous pensons que vous n’avez pas fait honnêtement votre travail en omettant une partie des sources qui vous auraient permis de mener à bien votre recherche d’informations et que vous n’avez pas respecté le devoir d’objectivité qui constitue pourtant une des bases du métier. Qu’il s’agisse de votre culture personnelle ou de recherche  d’information, nous vous recevrons.

 

V) L’Anonymat

L’anonymat n’est pas étranger à une profession qui a pour devoir la protection de ses sources.  Un journaliste se doit de vérifier leur crédibilité ainsi que la confiance qu’il leur témoigne, mais si lesdites sources souhaitent converser l’anonymat, un journaliste doit respecter cette exigence à tout prix.

Rajoutons à cela qu’être anonyme est parfois une obligation : lorsqu’une personne souhaite parler de choses lourdes, l’anonymat est une nécessité. Il est par exemple plus aisé de parler d’un viol lorsque l’on sait que les gens ne vous jugeront pas, au hasard.

Nous pouvons également parler de l’anonymat dans le milieu du travail : comment dénoncer les actes inqualifiables, les entraves à la loi, lorsque l’on ne peut pas parler sous peine de poursuites ? L’anonymat est une chose fondamentale pour ces personnes qui font état de choses qui ne devraient pas exister.

Un dernier point sur l’anonymat : lors du début de la révolution tunisienne et de celles que nous connaissons aujourd’hui, il a été d’une aide très précieuse, tout comme TOR ou les  Darknets qui servent encore à protéger la vie des activistes de différents pays comme la Chine, la Corée ou encore la Syrie.

Comme nous vous l’avons déjà expliqué, TOR, Darknet ou I2P sont neutres, ils peuvent faire  le bien, nous en parlons même hors de la toile dans des lieux consacrés à la démystification des Internets et des nouvelles technologies : les  hackerspaces.

 

VI) Bienvenue dans un hackerspace  pour que l’on vous explique comment tout cela fonctionne

(En réaction au tag « hacker » de l’article)

Un hacker méchant pirate ? Non, ce sont simplement  des individus capables qui veulent comprendre les choses pour eux-mêmes  (quelqu’un qui aime comprendre le fonctionnement d’un mécanisme, afin de pouvoir  le bidouiller pour le détourner de son fonctionnement originel, l’adapter pour  son usage, partager et donc l’améliorer).

Si on applique le principe à  l’informatique, un hacker sait où et comment bidouiller un programme  ou matériel électronique pour effectuer des tâches autres que celles  prévues.

« le hacker est celui qui apprécie le challenge intellectuel du dépassement créatif et du contournement des limitations. » – Eric S. Raymond

Un hackerspace est un lieu physique, sorte de laboratoire ouvert, où des gens avec un intérêt commun (souvent autour de l’informatique, de la technologie, des sciences, des  arts…) peuvent se croiser, mettre en commun des idées, partager leurs projets et faire des choses grâce aux moyens techniques présents dans les locaux. On partage ressources, techniques et savoir-faire.

Leurs buts sont principalement :

  1. Promouvoir une utilisation originale, intelligente, éthique et innovante de la technologie ;
  2. – Promouvoir la liberté d’utiliser, de créer, de modifier les outils techniques ;
  3. – Mise à disposition et entretien d’un lieu de rencontre, de travail ;
  4. – Réalisation de projets en commun.

(tiré de https://fixme.ch/wiki/Press_kit)

Les hackerspaces peuvent aussi être des lieux de mise en commun d’outils (matériels ou logiciels) sous diverses formes (prêt, location).

Liste-non exhaustive des hackerspaces français : http://hackerspaces.org/wiki/France

PS : M. Amaury Mestre de Laroque, sachez également une  chose : les méchants existent, partout. Nous avons déjà expliqué ce point, ne revenons pas dessus. Dès lors que l’on en a conscience, on fait attention à ce que l’on publie de sa vie privée. Ainsi, avant de critiquer Internet, assurez-vous bien, vous aussi, d’avoir une bonne approche de ce qu’est Internet.

Par exemple, publier une vidéo d’un enfant dans son bain n’est sans doute pas la  meilleure des choses à faire (nous ne donnerons pas le lien, mais vous avez compris de quoi il était question).

Annexes :

Deep Web : sites web accessibles en ligne publiquement, mais non-indexés par les moteurs de recherche traditionnels.

Darknet : réseaux non accessibles directement (par exemple, avec Freenet).

IRC : (Internet Chat Relay) Protocole de discussion, permettant également l’échange de fichiers. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Internet_Relay_Chat)

TOR : (The Onion Router). Système d’accès à Internet permettant l’anonymat au travers d’un  réseau maillé. (https://www.torproject.org/, https://fr.wikipedia.org/wiki/Tor_(r%C3%A9seau))

PGP : Pretty Good Privacy (en français : « Assez Bonne Intimité » ou « Assez Bonne Vie privée »), est un logiciel de chiffrement et de déchiffrement cryptographique, créé par l’américain Phil Zimmermann en 1991.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pretty_Good_Privacy

– En parlant Internet, savoir que des gens inventent des choses est bon à savoir (Meshnet, Datknet, réflexions): reddit.com/r/darknetplan/

Conférence \ »Internet de Libertés\ »

\"Aquilenet\"\"LaComme annoncé dans un précédent billet, l\’association Aquilenet (dont je reparlerai très bientôt) organisait hier à l\’Université Bordeaux IV (Droit) une conférence sur le thème \ »Internet et Liberté\ » avec comme animateur principal Jérémie Zimmermann, co-fondateur et porte-parole de La Quadrature du Net. Cette conférence a été découpée en deux parties. La première partie était très attachée au Droit et présentée par le Professeur Jean-Pierre Duprat. La seconde, plus accessible pour un informaticien comme moi, présentait le contexte autour du partage avant de proposer des solutions profitables à tous. Bref, j\’ai pris quelques notes durant cette conférence que je vais tenter de vous faire partager au mieux. Vous me pardonnerez les erreurs au niveau du vocabulaire employé pour la partie \ »Droit\ »…

Intervention du Professeur Duprat

Le Professeur Duprat a commencé par présenter les trois principaux droits et libertés qui sont selon lui impliqués lorsqu\’on parle d\’Internet et des nouveaux outils de communication. Ces libertés/droits sont inscrits dans la Constitution Française et/ou dans la Déclaration des Droits de l\’Homme et du Citoyen de 1789 (DDHC) :

  1. La libre communication des pensées et des opinions.

    Article 11 de la DDHC : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l\’Homme: tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l\’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

  2. La propriété intellectuelle

    Article 2 de la DDHC : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.

  3. Protection de la vie privée et en particulier des données personnelles

    Loi du 6 Janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés

La question qui se pose alors et qui résume bien le débat du \ »piratage\ » des œuvres : Comment rendre ces trois libertés/droits compatibles? En effet, le Professeur Duprat remarque deux conflits majeurs :

  • Un conflit entre la liberté de communication et la propriété intellectuelle : il nous faut limiter la liberté de communication afin de ne pas enfreindre la propriété intellectuelle.
  • Un conflit entre la liberté de communication et la protection de la vie privée (et des données privées) : En effet, l\’accès à la libre communication qu\’offre Internet peut permettre l\’accès à des données personnelles.

De ce fait rendre compatible ces libertés demande l\’intervention du législateur. Si j\’ai bien tout compris, la HADOPI a été créée suite à ce constat.
Le Professeur Duprat rappelle que la HADOPI est une Autorité Administrative Indépendante et que de ce fait, elle dispose d\’un pouvoir limité. Il rappelle brièvement ses deux pouvoirs principaux :

  • Un pouvoir de sanction : ce pouvoir est limité et doit être adapté et proportionné pour rester dans la légalité. Dans le cas de la HADOPI, ce pouvoir se manifeste par une sanction pécuniaire en coupant l\’accès Internet de l\’abonné \ »coupable\ » tout en l\’obligeant à continuer de payer son abonnement.
  • Un pouvoir à caractère réglementaire (normatif) : il s\’agit d\’un pouvoir qui autorise à établir des règles particulières, des normes.

Enfin, lorsque le Professeur Duprat évoque les perspectives d\’avenir de la HADOPI, il parle d\’une part d\’une fusion probable de la CNIL et de la CADA (ce qui lui semble assez naturel) et d\’autre part d\’une possible fusion entre l\’ARCEP, le CSA et la HADOPI ce qui, pour reprendre ses termes, semble beaucoup plus délicat compte tenu de leur domaines d\’intervention sensiblement différents. Ces possibles rapprochements viennent des conclusions du rapport Dosière/Vanneste traitant des Autorités Administratives Indépendantes.

Intervention de Jérémie Zimmermann

Jérémie Zimmermann, arborant hier soir un t-shirt Starsky et Hutch du plus bel effet, est co-fondateur et porte parole de la Quadrature du Net. Il a découpé sa présentation en deux parties. D\’une part il a fait un état des lieux des menaces qui pèsent sur l\’Internet que nous connaissons et d\’autre part, il a proposé quelques pistes très intéressantes pour adapter le droit d\’auteur à l\’ère du numérique.

Avant toute chose, il nous donne une définition de la \ »neutralité du net\ ». C\’est une définition simple mais très efficace :

neutralité du net = un seul et même Internet pour tous (tous contenus, tous services, …)

Quelles sont les menaces à cette neutralité selon Jérémie?

  • Des menaces politiques. Pas besoin d\’en dire beaucoup plus à ce sujet. Les cas de la Chine ou de la Tunisie il y a quelques temps parlent d\’eux-mêmes.
  • Des menaces économiques. Jérémie évoque en particulier les opérateurs de Télécoms. Ces opérateurs différencient par exemple les flux téléphoniques (une minute d\’appel aux États-Unis coûte plus cher qu\’une minute d\’appel à son voisin (hors forfaits box illimtés) mais se retrouvent à devoir gérer un Internet qu\’il est difficile de contrôler. Ils appliquent alors des restrictions ciblées comme pour l\’Internet mobile qui est illimité mais avec lequel il ne faut pas dépasser 10Mo de mail… Ou encore certains opérateurs qui bloquent la VoIP.
  • Enfin, des menaces des industries culturelles et du divertissement. Alors que ces industries contrôlaient jusqu\’à maintenant toute la chaîne de production/distribution, elles se retrouvent face à de nouveaux outils qui font en partie ce travail à leur place. Jérémie rappelle qu\’à l\’époque de l\’apparition de la cassette audio enregistrable, ces industries craignaient que le marché de la musique s\’effondre. Ce ne fut pas le cas. De même lors de l\’apparition des VHS. Etc..etc… Les exemples ne manquent pas. Il démontre sans trop de problèmes que ces peurs ne sont pas justifiées et que les préjudices subits par ces industries ne sont que supposés.

Jérémie évoque ensuite la HADOPI (version 2, celle en place). Pour lui, cette haute autorité est déjà morte et enterrée. Il met dans le même sac le directive IPRED2 et l\’ACTA et explique que toutes ces mesures font jouer aux intermédiaires (FAI, services) le rôle de police privée du copyright. Ce qui bien entendu est un problème majeur!

Dans sa seconde partie, Jérémie propose des solutions pour combiner le partage et les droits d\’auteur. Ou comment financer la création à l\’ère du numérique?

Il revient d\’abord sur quelques points qui lui semble importants. Premièrement, pourquoi ne pas distinguer les revenus des auteurs/artistes et des intermédiaires. En effet, dans de très nombreux cas, les auteurs/artistes ne touchent même pas 10% du prix de vente d\’un disque ou d\’un livre. Pourquoi ne pas commencer par attaquer les contrats de production qui tuent la création. Il donne en exemple des contrats de production américains qui obligent des artistes à s\’engager pour 7 albums!

Jérémie nous parle ensuite de pas mal d\’études récentes menées dans plusieurs pays du globe par des cabinets indépendants. En particulier, il cite une étude américaine d\’Octobre 2010 qui montre que depuis l\’apparition de Napster et des réseaux d\’échange P2P, les concerts au États-Unis ont explosés. D\’autres études (en Allemagne, aux États-Unis, en France, …) montrent que ceux qui partagent le plus sont aussi ceux qui achètent le plus et participent le plus aux activités culturelles (concerts, cinéma, …). Une adresse pour retrouver tous les rapports cités : http://www.laquadrature.net/wiki/Documents

Jérémie propose plusieurs solutions et en particulier de revoir la vision du droit d\’auteur pour l\’adapter aux technologies actuelles, aux usages sociaux et pour garantir l\’interconnexion. D\’un point de vue concret, cela se traduirait par l\’ajout d\’une exception (au sens juridique) dans le droit d\’auteur pour autoriser le partage sans but commercial. Un intervenant, professeur de droit, propose de créer un droit d\’exploitation. Des moyens un peu différents pour une même finalité. Jérémie suggère également que la société toute entière pourrait financer la création. Évoquant ainsi la licence globale ou des taxes sur certains produits (téléphones, connexion internet).

Pour conclure, Jérémie Zimmermann cite Isaac Le Chapelier, homme politique français du XVIIIème siècle :

La plus sacrée, la plus légitime, la plus inattaquable, et, si je puis parler ainsi, la plus personnelle de toutes les propriétés, est l’ouvrage fruit de la pensée d’un écrivain ; c’est une propriété d’un genre tout différent des autres propriétés. Lorsqu’un auteur fait imprimer un ouvrage ou représenter une pièce, il les livre au public, qui s’en empare quand ils sont bons, qui les lit, qui les apprend, qui les répète, qui s’en pénètre et qui en fait sa propriété.

Conclusion

Je n\’ai fait là qu\’un résumé des notes que j\’ai prises. La conférence aura duré une bonne heure et demi. L\’association Aquilenet a d\’ores et déjà mis à disposition une version audio de cette conférence. Le torrent permettant de la récupérer est disponible à cette adresse. N\’hésitez pas à seeder 😉 Enfin, une vidéo en cours de traitement devrait également être disponible sous peu. Je tâcherai de faire un billet quand ce sera le cas. Bref, merci à eux d\’avoir organisé cet événement! Et merci aux intervenants pour la qualité de leurs interventions.

Mise à jour : Aquilenet a mis en ligne la version audio et vidéo de cette conférence mais également la version audio du débat qui a eu lieu le lendemain soir à l\’Utopia. Tout est disponible en torrent et en téléchargement direct à cette adresse.