Perte de contrôle des données personnelles : À qui la responsabilité?

\"Data

Ça n\’aura échappé à personne : depuis que l\’affaire PRISM a été dévoilée on parle beaucoup de la perte de contrôle de nos données personnelles. Le sujet prend beaucoup de place dans les médias et c\’est tant mieux. Plus on en parlera, plus les gens prendront conscience du problème, de sa complexité et du fort intérêt qu\’il y a à s\’en préoccuper. Même si, vous en conviendrez, la surveillance massive est déjà bien en place…

Malgré tout, parmi la masse de remarques que l\’on peut trouver sur Internet, il est un refrain que j\’entends beaucoup (peut-être autant que le stupide \ »rien à cacher\ ») : \ »C\’est à chacun de se responsabiliser et de choisir ce qu\’il met sur Internet.\ ». Cet argument est souvent suivi par un prétentieux \ »Moi par exemple, je ne mets rien de ma vie privée sur le net\ ». Oui, mais non. Ce genre de remarques m\’agace. Elles montrent une certaine naïveté à l\’égard du fonctionnement d\’Internet et des technologies de captation des données.

Il faut bien comprendre une chose quand on parle de données personnelles. L\’ensemble de ce qui représente ces données n\’est pas limité à vos photos de vacances ou à la vidéo de tata Suzanne qui fait des papouilles au petit dernier. C\’est bien au-delà de ça. Pensez à vos dernières recherches sur votre moteur favori. Et réfléchissez maintenant à ce qu\’elles peuvent dire sur vous. Ça peut être une opinion politique, une orientation sexuelle, un problème de peau, votre affection toute particulière pour les fruits de mer. Que sais-je! Dès lors que vous bougez un octet sur Internet, il s\’agit d\’une donnée qui peut être collectée, interprétée, recoupée, etc.. et ce, que vous ayez un compte chez Gootruc, Facemachin ou pas. La collecte est faite quand même, soyez-en convaincu. J-M Manach expliquait ce matin dans l\’émission de radio suisse En Ligne Directe que Facebook ou Google savent avant votre famille si vous êtes homosexuel(le) ou si vous êtes enceinte pour ne citer que ces exemples. Pensez à tous vos appareils connectés directement (ou pas) au réseau : PC personnel, PC de bureau, smartphone, tablette, carte bleue, carte de transport en commun, carte de fidélité dans n\’importe quelle boutique, etc… Les exemples sont trop nombreux pour imaginer tous les citer. Même si la loi française encadre en partie la collecte des données via ces outils du quotidien, nombre de services ne dépendent pas de cette législation. Savez-vous que l\’intégralité de vos transactions par cartes bleues transitent par les États-Unis (sauf si vous n\’utilisez ni Visa, ni Mastercard mais admettez que c\’est excessivement rare…)? Tout est une donnée sur le réseau. Naturellement, il convient d\’être responsable dans le choix de ce que l\’on diffuse ou dans les outils qu\’on utilise. Mais la responsabilité est au minimum partagée avec ceux qui collectent ces informations et les traitent pour en tirer profit ou pour faire accepter à la population les dérives sécuritaires les plus absurdes sous couvert de lutte contre le terro-pédo-délinquo-nazisme. Mettre sur le dos des seuls utilisateurs les fuites de données personnelles n\’a que pour effet de déculpabiliser et pire, de décomplexer les États et les \ »géants du web\ ». On pourrait aisément faire le parallèle avec l\’écologie. Depuis quelques années, les campagnes d\’informations se multiplient visant à nous rendre coupable de la pollution, de la multiplication des déchets, du réchauffement climatique ou de la mort de bébés phoques. Nous avons une responsabilité, sans aucun doute. Mais les États et les industries en ont au moins autant. Je crée trop de déchets? Arrêtez d\’ajouter continuellement des sur-emballages! Je dois limiter ma vitesse et mes déplacements parce que ma voiture pollue? D\’accord, mais tâchez de mettre de réels moyens à développer des énergies propres! Sur ce domaine aussi, les exemples sont légions. Nous sommes coupables en un sens, mais nous dépendons fortement des choix de ces gens qui veulent prendre le contrôle d\’Internet. Ainsi, l\’argument \ »je choisis ce que je mets sur les réseaux\ » ne tient pas une seconde à moins de vivre dans une grotte.

Image par PICOL (CC by-sa)

4 réflexions au sujet de « Perte de contrôle des données personnelles : À qui la responsabilité? »

  1. Ah, merci pour ce billet, j’avais exactement la même réaction en écoutant ces commentaires!

    Visiblement, certains auditeurs n’ont pas saisi l’ampleur de la surveillance – « ce que je mets sur internet », ce n’est pas uniquement votre profil Facebook!

    Si l’on considère que la NSA avec son projet PRISM enregistre systématiquement les données récoltées par Google, Apple, Microsoft, pour ne retenir que ceux-ci, cela peut inclure également:

    – Toutes vos recherches et votre navigation sur le web (via Google Analytics).
    – Vos communications email – transitant par Gmail (Google) ou Hotmail (Microsoft).
    – Vos appels effectués via Skype (Microsoft).
    – Vos déplacements dans le monde physique (via votre smartphone équipé par Google, Apple ou Microsoft).
    – Des photos de vous prises par des tiers, et stoquées sur Facebook, Picasa (Google), ou iCloud (Apple).

    Dommage que les interlocuteurs de l’émission n’aient pas été plus explicites.

    Et dommage qu’il n’y ait pas eu de véritable conclusion. Au lieu de cette question étrangement biaisée « Considerez-vous la vie privée comme un concept révolu? », pourquoi ne pas ouvrir le vrai débat: « Comment sortir de là? » – comment faire front face à ces quelques 5 ou 6 multinationales, et construire une infrastructure de communications respectant la vie privée et les droits citoyens.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>